15 mai 2007

SANG D'IRAH 2 : C'est reparti mon kiki !

Et hop ! manuscrit maya imprimé/posté, il est temps de revenir à celui que j'ai laissé en chantier depuis le mois d'octobre : le dernier volet des chroniques insulaires, Sang d'Irah 2 : "L'étendard en lambeaux".

Avec ces 8 mois de recul (bien remplis puisqu'en plus de ce roman jeunesse, j'ai écrit une préface et une nouvelle SF pour les éditions Rivière Blanche, participé à une autre préface, fait un peu de politique, survécu à un deuil (mais ce n'est pas gagné, heureusement qu'il y a l'écriture et les amis)), je sens que je vais pouvoir en venir à bout plus sereinement (c'est là qu'elle croise les doigts dans le dos, crache par terre et jète une poignée de sel par dessus son épaule).

Au programme ces deux prochaines semaines : une relecture attentive du manuscrit et des notes laissés en plan (façon de parler). Débroussaillage et corrections. A froid, je vais pouvoir vérifier les lignes de force et je pense être en mesure, maintenant, de trouver ce qui me bloquait l'été dernier.

L'avantage, c'est que ça va aussi me permettre de prendre le recul nécessaire par rapport aux Songes de Tulà, en lecture chez mon éditeur, pour être prête le moment venu pour les corrections et éventuels remaniements.

yeah...! (fait craquer ses jointures...)

mais avant tout ça, un break salvateur et bien mérité : jeudi, c'est férié, et c'est la visite traditionnelle chez les bouquinistes et vide-greniers ! ce sera aussi la remise non moins traditionnelle de mon manuscrit maya à mon lecteur-test préféré : suspense suspense...

12 mai 2007

Critique de Sang d'Irah


compte-rendu de lecture paru sur le blog "Plume Sauvage" :

Encore un roman rapporté de ma virée parisienne qui m'a rendue insomniaque. Pourtant, peu après son achat, on a essayé de me faire peur en me disant que plusieurs personnes n'étaient pas parvenues à lire cette auteur. C'est là qu'on se rend qu'on que d'une personne à une autre, l'approche d'un ouvrage peut vraiment varier à 180 °.
Car j'ai adoré le style, tout simplement !

"Sang d'Irah" est une superbe fresque, très prenante, avec des personnes aux destinées et aux caractères impressionnants, finements retranscrits. Pas de bons ou de méchants ici, rien de manichéens et c'est bien ce qui me plait. Même dans leurs pires actes, les personnages ont leurs raisons d'agir, tour à tour émouvants, pathétiques, convaincants, passionnés, autant de destins qui se percutent pour le meilleur et le pire, plongeant parfois les êtres qui leurs sont le plus chers au bord de la folie ou de la mort. Sans même parler des véritables chocs culturels, par exemple lors de l'apparition de Nicolas, puis de son retour avec des idées 'modernes' qui ne peuvent trouver échos à Nopalep, île hors de l'espace et du temps qui n'a pas évolué depuis des siècles. C'est bien ce que nous décrit l'auteur, une île continent qui sort de son inertie, ce qui entraîne la chûte prévisible de civilisations entières. Elle a superbement rendu, à mon avis, la mélancolie de ces personnages qui prennent conscience qu'avec leur fin c'est un mode entier de croyances et de coutumes qui périclyte.

Et au milieu il reste Duncan, droit et entier, homme d'un autre âge qui pousse l'admiration même chez ses ennemis.

J'ai eu une chance énorme, pouvoir parler de ce livre avec son auteur après l'avoir lu, sur le forum Littérature Fantastique. D'ailleurs, je ne me suis pas cassée la tête, cet article est ni plus ni moins mon ressenti "à chaud" de ce que j'y avais décrit (je suis une feignasse, je vous l'ai déjà dit !).

J'avais donc ajouté une note pour l'auteur sur le forum, dans laquelle j'avouais que je ne savais que répondre à la question posée en dédicace sur le roman lors du salon du livre de Paris... La question était tout simplement de savoir quel serait mon personnage préféré... et si je me retrouverais dans la reine Maryanor.
J'avoue que le personnage de Sail est particulièrement "grand", se dépassant et se consumant par amour des siens, mais tous sont si bien cernés que j'ai éprouvé un réel plaisir à les suivre, même lorsque leurs décisions étaient réellement contestables. Tous ont leurs forces et leurs faiblesses, ce qui les rend à la fois attachants et répugnants. Une belle galerie de personnages !

Je découvre cette auteur donc je ne m'avancerai pas sur ses autres romans. Ca m'a quand même fait une drôle d'impression d'arriver à la fin et de découvrir qu'une suite est prévue, car c'est déjà un roman très dense (je ne suis pas amateur de multilogies). Ce qui est très agréable c'est que l'auteur ne coupe pas la lecture, du genre "à suivre" en plein milieu d'une action. Elle a traité son livre comme un one-shot, ce qui est très respectueux des lecteurs, tout en mettant en place la génération suivante, donc évidemment, pour ceux qui ont aimé, ça met l'eau à la bouche...

Bon, j'ai beaucoup causé là, mais j'imagine Sieglind ou Adu me tomber dessus en me disant "c'est bien mais... ça parle de quoi ?"

Au tout départ, le Prince chevalier Duncan d'Irah rend visite à sa très jeune fiancée la reine Maryanor (alliance politique décidée quand elle était au berceau, mais qui à la grande surprise de tout le monde s'est changée en une véritable passion, arrête de glousser Sieglind, oui on se doute que ce n'est pas une visite de courtoisie).
Le Prince est dans une position délicate car ce mariage peut permettre au royaume de sa douce d'absorber le sien, il a donc déjà pris ses précautions de ce côté. Du coup il sait que cette alliance n'est plus aussi avantageuse aux yeux des dirigeants du royaume de Nicée.
Il a cependant confiance en se rendant auprès de sa dulcinée à sa demande. Mais il déchante car elle a quelque chose de terrible à lui apprendre (de préférence en public devant l'ensemble des pontes du royaume, merci l'humiliation). Car la Reine est aussi la grande prêtresse de Soral, dont le culte règne sur le royaume de Nicée, et le Kassapu (prêtre) de ce culte est parvenu à la convaincre qu'elle devait annuler ses fiançailles pour réaliser le Grand Partage avec le roi Sail, véritable homme-Dieu d'Orkaz, contrée désertique du sud qui s'est allié aux Trolls Lycanthropes du nord dans l'espoir de pouvoir récupérer eaux et terres arables. Le Grand Partage est une cérémonie qui a permis aux Reines, sur des générations, de plier à leur volonté des hommes pour absorber leur peuple et leurs terres en évitant les conflits armés. Mais cette pratique n'a plus eu lieu depuis très longtemps car elle est assez "politiquement incorrecte" (lisez le livre pour avoir les détails !).
Cette décision va avoir des conséquences terribles. Duncan, décidé à rester fidèle à son lien de vassalité, va lui-même livrer le roi Sail à Maryanor, mais cette dernière va suivre son idée et réaliser le Grand Partage malgré tout. Ce que Duncan ne voit pas, c'est que la jeune Reine vit en réalité dans la peur, qu'elle est beaucoup plus solitaire et fragile qu'il n'y parait. Ce qu'elle va faire et subir au cour de la cérémonie et dans les mois qui vont la suivre sera lourd de conséquences...
Ceci n'est que le tout début du roman et je n'en dirai pas plus !

La superbe couverture est signée Luis Royo, elle est à tomber, n'est-ce pas ? Il y a des auteurs qui ont de la chance !

c'est sur http://www.plumes-sauvages.net/article-10354469-6.html#anchorComment (cliquez sur le titre...)

10 mai 2007

05 mai 2007

INTERVIEW : Phenix Mag 14


Phénix Mag n°14 est maintenant en ligne avec ma dernière interview en date.

Avec des entretiens de :
Lucie Chenu
Nicolas Cluzeau
Mélanie Fazi
Alexander Irvine
Serge Lehman
Philip Le Roy
Alexis Lorens
Emmanuelle Maïa
Claire Panier-Alix
Virginia Schilli
Erik Wietzel

téléchargeable sur :


http://www.phenixweb.net/Numero-14

04 mai 2007

APPEL D'AIR, suite...



Je vous engage à lire le très beau texte d'Hugo Bellagamba. Il conclut très bien les cauchemars et inquiétudes que nous avons exprimées dans les textes qui le précèdent... et à 2 jours du scrutin, avec l'ultime offensive des sondages dont on sait qu'ils sont en train de donner des consignes de vote aux indécis, ce texte est carrément visionnaire.

Claire, très mal à l'aise.

PS : la liste des auteurs qui ont signé l'appel est en train de se rallonger, car quelques uns se sont ralliés à nous depuis le début de la semaine. Voici la liste à jour aux dernières nouvelles

Appel signé par Joseph Altairac, Ayerdhal, Stéphane Beauverger, Ugo Bellagamba, Francis Berthelot, Georges Bornand, Jean-Daniel Brèque, Lucie Chenu, Fabrice Colin, Sylvie Denis, Alain Damasio, Catherine Dufour, Gilles Dumay, Jean-Claude Dunyach, Claude Ecken, Mélanie Fazi, Jean-Pierre Fontana, Denis Guiot, Thomas Hervet, Nathalie Labrousse-Marchau, Sylvie Lainé, Claude Leroux, Licorne, Lise N., Jean-Marc Ligny, Claude Marnier, Michel Pagel, Claire Panier-Alix, Olivier Paquet, Laurent Queyssi, André-François Ruaud, Simon Sanahujas, Roland C. Wagner, Vincent Wahl, Joëlle Wintrebert… et raturé par nos dissidents Serge Lehman et Patrick Eris

18- LE SUICIDE DE LA DEMOCRATIE
Ugo Bellagamba


Quand je suis entrée dans la pièce, tous les régimes étaient déjà là. Les
prières le disputaient aux sanglots ; les unes étaient-elles plus sincères que
les autres, il était trop tôt pour en juger. Toujours est-il que la plupart des
régimes m’ignorèrent comme ils l’avaient toujours fait. Leur mépris ne me
touchait plus depuis longtemps. Même le sourire narquois de cette salope
de ploutocratie me laissa de marbre. Ma tristesse que je n’avais l’intention
de prouver à quiconque, occultait tout.
C’est la monarchie qui vint à moi. Sa souffrance ne semblait pas feinte. Elle
me prit dans ses bras, je la laissai faire. Elle avait toujours été un peu
absolue dans ses émois. Je l’aimais bien pour cela.
« Il ne manquait que toi. Viens. »
M’ouvrant la voie entre la tyrannie et l’aristocratie qui, une fois encore, se
disputaient en toute indécence, elle m’amena jusqu’à la gisante, que l’on
avait drapée dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Ainsi, figée dans ses valeurs tutélaires, elle semblait presque… parfaite.
« Qui aurait pu croire qu’elle en arriverait là ? » me dit, à voix basse, la
monarchie.
Moi.
J’ai toujours su que la démocratie finirait ainsi. Qu’elle se donnerait la mort.
Tous les autres régimes, eux, vivent et meurent, emportés les uns sur les
autres dans le grand cycle de la dégénérescence. Elle haïssait
l’Anacyclosis. Jamais elle n’aurait supporté cette fin lente, sans grâce. Nous
en avions parlé maintes fois.
« Comment s’est-elle… », demandai-je, sans pouvoir finir ma phrase.
La monarchie eut un frisson.
« Elle s’est servie de l’arme la plus puissante dont elle disposait. »
Je levai le regard au-dessus de la gisante : l’arme était là, encore
dégoûtante du sang qu’elle avait versé.
« Le suffrage universel… », murmurai-je.
- Direct, précisa la monarchie.
- En plein cœur ?
- Oui. Jusqu’à la garde.
- En seul tour de scrutin. ». Ma voix mourut.
Les monarchies censitaires et parlementaires qui s’étaient approchées pour
épier notre conversation, s’étreignirent avec force : « quelle histoire, quelle
folie ». D’un regard dur, la monarchie absolue les balaya plus loin.
« Qui prononcera l’hommage ? »
La monarchie ne me répondit pas, elle se contenta de pointer l’Autel du
doigt : avec force gestuelle affectée, le Principat rassemblait ses papiers,
préparait sa voix.
C’était plus que je ne pouvais en supporter. Je tournai le dos à la gisante
et, sous le poids des régimes interloqués, me dirigeai vers la porte. La
monarchie absolue ne tenta pas de me retenir. Elle avait compris, je
pense.
J’ai fui le cadavre de la Démocratie, dont je me sentais pourtant si proche.
Après tout, un régime si parfait qu’il ne convenait presque pas à des
hommes, un régime si empreint d’idéal, était-il si différent de moi ?
Une fois encore, j’étais seule, Utopie noyée d’ombres.

01 mai 2007

BONHEUR : Bienvenue petit bout !



c'est le premier mai, il fait beau, tout ne va pas aussi mal qu'on le dit, et je veux croire que l'avenir sera ce que nous en ferons.

aujourd'hui, Eliott Jean Baptiste est né, et rend le reste bien dérisoire, encore que c'est aussi pour lui qu'on doit se bouger le ...

APPEL D'AIR : DES ECRIVAINS DE MAUVAIS GENRE SE MOBILISENT...

je remercie au passage une certaine auteure jeunesse avec qui j'ai eu des mots et qui m'a inscrite sur une liste de diffusion sarkosyste pour m'emm... Ce fut très instructif, de savoir qu'elle y était et de connerie liberticide en général.

Lors des dernières élections j'avais participé au collectif contre l'extrême-droite, il est donc naturel que je participe à ce mouvement de grande inquiètude...

et, fidèle à mon Cyrano : «Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès ! Non, non c'est bien plus beau lorsque c’est inutile !» [ Edmond Rostand ] en tout cas la gueule de bois, je l'aime bien quand c'est moi qui ai choisi le vin et les convives.



APPEL D’AIR
Les écrivains des mauvais genres s’engagent contre Sarkozy


Vous êtes de ceux qui pensent que Sarkozy est le meilleur pour gouverner la France. Vous avez raison. Il est le meilleur — pour le faire croire.
Il n’a nul besoin d’être compétent, sincère ou humain : il lui suffit de produire des effets de compétence, de sincérité et d’humanité.

Sur l’arc de nos sensibilités, une dominante : pour nous, Nicolas Sarkozy est dangereux. Extrêmement dangereux. Dangereux pour les libertés publiques qu’il quadrille et canalise. Dangereux pour le corps social qu’il fractionne, stratifie et oppose bloc à bloc, communauté par communauté. Dangereux parce que la politique qu’il propose est parfaite pour permettre aux plus richement dotés en capital social, médiatique et financier d’appauvrir encore plus cruellement ceux que ce système broie.

En tant qu’écrivains de science-fiction, de fantasy et autres mauvais genres, nous avons une vocation et, qui sait ? une arme de construction massive : offrir des champs de visions — tout spécialement lorsque l’image est fabriquée pour obliger notre perception.
Avec nos moyens, nous cherchons, comme beaucoup, à lire dans le réel ce qui le travaille et dans le présent ce qui tend à lui imposer un futur qui ne propose plus, pour la pensée et pour la vie, le moindre avenir.
Notre appel ne vise pas à ajouter aux débats nos salves d’arguments antisarkozy et nos démonstrations chiffrées, référencées, précises : journalistes probes, citoyens et militants le font déjà, avec force et courage, avec brio parfois.
Il vise à vous offrir des microfictions dures, drôles, parodiques ou glaçantes, écrites au fil de l’urgence et qui dessinent des trajectoires de résistance en nous confrontant à ce qui nous attend. Mots de passe, donc, plutôt que mots d’ordre.



Appel signé par Joseph Altairac, Stéphane Beauverger, Ugo Bellagamba, Francis Berthelot, Jean-Daniel Brèque, Fabrice Colin, Sylvie Denis, Alain Damasio, Catherine Dufour, Jean-Claude Dunyach, Claude Ecken, Mélanie Fazi, Jean-Pierre Fontana, Sylvie Lainé, Licorne, Lise N., Jean-Marc Ligny, Michel Pagel, Claire Panier-Alix, Olivier Paquet, Laurent Queyssi, André-François Ruaud, Simon Sanahujas, Roland C. Wagner, Vincent Wahl, Joëlle Wintrebert… et raturé par nos dissidents Serge Lehman et Patrick Eris



1. Petit précis de génétique-fiction


Grâce à un présidentiable en Zébulition, nous venons d'apprendre qu'un certain nombre de traits singuliers, tels que l'homosexualité ou la pulsion suicidaire, sont dus à des facteurs génétiques. Voilà enfin clairement tranché - et cela sans attribuer un euro de plus à la recherche scientifique - un débat qui occupe psychologues et biologistes depuis des siècles.

Nul doute qu'on puisse ranger prochainement dans la même catégorie :
- les particularités sexuelles
- les déviances gustatives
- les perversions musicales
- le doute scientifique
- les croyances individuelles
- toute contestation de la norme

A partir de là, cependant, plusieurs questions se posent :
- remplacer l'écoute et la réflexion par le martèlement de (contre)vérités arbitraires, est-ce génétique ?
- être notoirement atteint de paranoïa sécuritaire, est-ce génétique ?
- souffler le chaud et l'effroi sur les "bons citoyens" de manière à se hisser au pouvoir, est-ce génétique ?
- employer la violence pour mater une colère qu'on a engendrée par des propos méprisants, est-ce génétique ?
- être monté sur ressorts et bondir d'une chaîne télé à une autre en changeant d'avis comme de casquette, est-ce génétique ?
- sortir son revolver, son fusil à limoger ou sa guillotine à crédits lorsqu'on vous parle de culture, est-ce génétique ?
- compenser la petitesse de sa taille par la démesure de son ambition (Staline mesurait 1m60 ; et son chef de la police, Iejov, 1m 54), est-ce génétique ?

Nous verrons si les cinq années à venir nous apportent là-dessus des réponses définitives.


Francis Berthelot



2. AFP 18/1/2010 - Chomeurs : Seconde génération


Notre Président vient de dévoiler les résultats d'une étude menée à sa demande par le Groupe d'Etudes Scientifiques pour le Traitement Anticipatif et la Protection de l'Ordre.

D'après cette étude, le chômage présente toutes les caractéristiques d'un caractère génétique — il se révèle en tout cas transmissible.
Depuis l'interdiction officielle du chômage pendant plus de 6 mois consécutifs, et la suppression du statut d'intermittent du spectacle, statuts déclaré illégaux et non conformes à l'ordre public, l'ANPE comptabilise encore 6 % de chômeurs irréductibles qui, au vu de la durée actuelle des procédures pénales, n'ont pas encore fait l'objet de poursuites judiciaires. Dans le même temps, l'INSEE en comptabilise 34% dans une étude qui vient d'être rendue publique, 17 mois après sa réalisation.

L'étude porte sur les enfants de ces chômeurs et a été menée rétroactivement sur 5 ans - elle révèle qu'ils sont à la fois de mauvais consommateurs (budget argent de poche inférieur de 30 % au budget moyen dans la même tranche d'âge), de piètres entrepreneurs (leurs futurs employeurs seront moins concurrentiels au plan international), et surtout qu'ils ont beaucoup plus de chances que les enfants issus d'individus sains de devenir chômeurs à leur tour. L'étude recommande la stérilisation des chômeurs de longue durée (sans distinction de sexe), ou, à défaut, l'interdiction pour eux d'avoir plus d'un enfant par foyer - ceci dans l'intérêt même des enfants, et afin que tous les enfants de France puissent être élevés dans des conditions décentes, en bénéficiant d'une couverture sociale.


Sylvie Lainé


3. Onomastique


Ne perdons pas de vue la détermination onomastique.
Car on a beau retourner le problème dans tous les sens, il persiste à se poser.

Koryasz : pas forcément

Rakoszy : vampire

Yskaroz : traître célèbre

Sarkozy : dangereux

Jean-Daniel Brèque

4. BOUYGARDÈRE SA


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Catherine Dufour

5. Pour une démocratie plus propre,
 des élections modernes !




Le Nouveau Gouvernement (www.sarko.gouv.com)
communique :

Pour une démocratie plus propre,
Des élections modernes !

Cher(e)s concitoyen(ne)s,
Comme vous le savez, le nouveau système de vote électronique a été mis en place. Ce système possède l’immense avantage qu’il n’y a plus besoin de sortir de chez soi pour aller voter. Il suffit de se rendre d’un simple clic sur le site www.sarko.gouv.com, rubrique élections, d’entrer son code d’accès* et de cocher le candidat de son choix parmi la liste proposée ! Rien de plus simple !

Nous rappelons que ce nouveau système de vote remplace l’ancien (urnes et bureaux de vote) qui aura disparu le mois prochain. Aussi n’oubliez pas de vous inscrire dès maintenant !

* Le code d’accès vous sera envoyé par e-mail sur simple demande, après vérification de vos données personnelles. Nous rappelons que pour obtenir ce code, il vous faut justifier de :
• Une connexion Internet haut débit
• Un certificat de travail
• Un salaire régulier
• Un compte bancaire positif
• Un domicile fixe depuis 5 ans minimum
• La nationalité française depuis 3 générations minimum
• Un casier judiciaire vierge depuis 5 ans (amendes et infractions comprises)
• Un certificat de santé (physique et mentale) satisfaisant
• Un génome sain
• Un bilan moral (consommation, fréquentations, opinions, etc) positif
• En outre, toute personne ayant fait l’objet d’un contrôle d’identité dans le cadre de troubles de l’ordre public aura son code d’accès effacé par mesure préventive, et devra faire une demande justifiée de son rétablissement à la préfecture.
Vous n’avez aucun justificatif à fournir. Le simple envoi de votre e-mail nous permet de contrôler toutes ces données. À bientôt sur www.sarko.gouv.com !



Jean-Marc Ligny

6 - 1er Mai 2010 : "Succès de la journée de l'identité nationale." déclare le ministre


C'est avec joie que nous constatons que nos concitoyens ont participé massivement à cette journée destinée à resserrer le lien social.

Les données informatiques recueillies grâce aux puces RFID et fournies, conformément à la loi sur la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004 et ses décrets d'application de 2008, aussi bien par les supermarchés et les sites en ligne confirment que nos concitoyens ont massivement acheté des produits célébrant l'identité de la France et confectionné des plats de nos régions pour le pique-nique national qui leur était proposé.
Les rares trublions ayant organisé des pique-nique de la "gastronomie multicolore" afin de célébrer leurs liens avec leurs ancêtres immigrés non-choisis, ont été arrêtés et jugés en comparution immédiate pour "atteinte à l'identité nationale".
La journée sera reconduite l'année prochaine, et nous savons que nos concitoyens se feront un devoir et un plaisir de montrer qu'ils partagent la même idée de la France et du mode de vie Français.


Sylvie Denis
Texte sous licence Creative Commons by-nc-nd 2.0.




7. Souches rabougries sur la pente droite de la scène


Le hérisson dans le jardin médiatique transpirait des épines et dégageait une odeur de soupçon. Le vieil arbre ramassait les derniers rouages de son labeur mécanique en brandissant sa carte tachée d’une cravache et d’un col blanc. De jeunes pousses, les synapses colorées de promesses flexibles, s’entre-dévoraient. Nous étions nous alors quelque part au-dessus du pays, quelque part au niveau de la terre, lardant nos membres abîmés de banderoles terrifiantes, suivant la trace délébile de nos fusées embarrassées. Les portails majestueux, qui ne comptaient plus depuis longtemps, évaluaient la qualité de l’horizon sur leurs vernis.

Lise N.

8. Sécurité/Impunité (scène vécue à venir)


9h05. Porte de Bagnolet. Signe de la main. Stop. Jolie nana, miam. Elle se gare. Obéissante, miam, miam. Elle baisse sa culotte vitre. J'approche lentement :

— Elle va me donner les papiers du véhicule.

Trouille dans ses yeux. Elle est encore plus mignonne, vraiment. Tu ne sais pas encore précisément ce qui t'attend, pas vrai ma belle ? J'adore. Vraiment. Tour de sa bagnole, la main sur la bite matraque. T'as rien à te reprocher ? Je vais trouver. T'es pressée ? Je te garderai tant que je veux. Tant que je ne te rendrai pas ton permis, tu es à moi. Tant que je le voudrai, tu es à moi. J'ai fini mon tour. J'ai trouvé. Tu es à moi.

— Allez, elle va me faire un petit sourire, et j'oublie l'amende, pas vrai ?
— quelle amende ?
— Votre vignette d'assurance, là, pas à jour.
— Mais je l'ai.
— Elle doit être bien visible sur le pare-brise. C'est pas bien, tss, tss, tss.

Je bande souris. Tu es pressée ? T'as des gosses ? Un mec ? T'aimes te faire reluire, ma belle ? Tu resteras garée, ici, à mes pieds, tant que je le désire. J'y ai droit.

— Allez, un petit sourire gentil au policier, et elle repart libre comme l'air. C'est pas si dur, d'obéir, si ?

Elle obéit, la conne. Elle a compris. Je souris bande. Jolie bouche.

— Circulez ! »

Elle démarre et disparaît. Furieuse et soumise. J'aime bien aussi quand elles protestent. Elles finissent par chialer autant, mais devant moi. Demain, la semaine prochaine, dans un mois, je les ferai sortir de la voiture. Marcher un peu. J'adore.

9h20. Signe de la main. Stop. Jolie nana, miam. Je l'ai bien droite. Je l'ai bien dure. C'est moi qui décide. Décomplexé. Je suis couvert. Vous m'avez voulu.



Stéphane Beauverger



9. « LA GRATUITÉ C'EST LE VOL » déclare le ministre des finances


« La loi sur le préservation de l'économie et la diminution de la dette publique est une loi juste, digne d'une grande démocratie comme la France, » appuie le président. « Il faut préserver notre industrie, notre commerce et nos services contre les ravages de la gratuité. Les revenus des auteurs et des compositeurs ne sont-ils pas en train de plonger à cause de la concurrence déloyale exercée par les artistes qui mettent leur musique en libre accès, contrairement à toutes les règles du marché ? Les ventes des quotidiens ne sont-elles pas en chute libre en raison de la multiplication des sources d'informations gratuites — et, disons-le, le plus souvent douteuses ? Nos artisans ne sont-ils pas menacés par le travail au noir non rémunéré qui se multiplie en catimini ?
« Il devenait urgent de mettre un terme à ces abus qui mettent en péril le pays tout entier. C'est pourquoi, après avoir écouté avec attention les différents acteurs économiques, le gouvernement a décidé d'interdire toute offre de service ou de produit gratuit dès lors qu'il existe une solution payante équivalente. Par conséquent, le don, le prêt et à plus forte raison la copie des produits culturels est interdite, dans le souci de défendre les créateurs contre la véritable spoliation dont ils sont victimes chaque fois qu'une de leurs œuvres est consommée sans contrepartie financière. De même, il est désormais défendu aux associations caritatives de procurer gratuitement nourriture, vêtements ou services pour ne pas concurrencer les commerces et entreprises au bord de l'asphyxie financière. Recourir aux services de l'État sera désormais facturé à l'acte, afin de donner à chacun la possibilité du libre choix dans tous les domaines, y compris celui de la sécurité des biens et des personnes.
« À partir du premier janvier de l'année prochaine, la vente de produits de seconde main sera interdite, afin de protéger les producteurs. Seuls les objets de collection d'une valeur supérieure à cent euros échapperont à cette règle. De fait, brocantes et vide-greniers sont appelés à disparaître en faveur de foires ne proposant que des objets neufs, dans le but de préserver les emplois de ceux qui fabriquent les objets en question. À cette même date entrera en vigueur l'article 17 de la loi qui condamnera sévèrement le travail gratuit, cette plaie de notre société. Aider quelqu'un à, par exemple, refaire le papier peint de son salon sera dés lors passible de 5 ans de prison et de 375 000 euros d'amende, sauf bien entendu à l'intérieur du cercle familial restreint tel qu'il a été défini par la loi sur la famille du mois dernier — c'est à dire limité aux personnes possédant au minimum 50 % d'ADN en commun, les individus prédisposés génétiquement à la malhonnêteté et à l'incivilité étant bien entendu exclus.
« C'est ainsi, mes chers compatriotes, que nous sauverons la France et reviendrons à une croissance positive dès l'année prochaine. En supprimant à jamais l'illusion scandaleuse de la gratuité. »

DÉPÊCHE AFP :
« Un boy-scout qui avait aidé une vieille dame à traverser la rue sans lui réclamer son chèque emploi service a été condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis et 10 000 euros d'amende par le tribunal de Nice. Le ministre de l'intérieur, qui estime la sanction bien légère, a demandé au parquet de faire appel. »

Roland C. Wagner
Texte sous licence Creative Commons by-nc-nd 2.0.

10. Machine à s’indigner


Machine à s’indigner fonctionne sous la pression
des réponses précédant les questions, des promesses non attendues, de la sollicitude de qui sait mieux que toi ce qu’il te faut.

Tu travailles, tu produis, tu viens, tu ne peux vendre, gosier ouvert,
homme à remplir .

Chaque entonnoir reçoit son
lot: l’officiel du taxi/so foot/ moto-revue/ mon jardin ma maison/ funérarium magazine/le monde de l’éducation/atout chien/ l’essor de la conciergerie/mille vins mille mets/l’avenir en perce/la gazette du cosmoschtroumpf. Ah les bonnes gens.

Ah les bonnes gens dynamiques aux idées simples ils ont vu ils ont senti de loin, de leur séjour de verre, ils projettent ils étendent partout leur réseau de conduites
forcées

et ça charrie (c’est fait pour ça) de la causalité directe de la persuasion bien de mon coué de la croyance: dépister précocement les déviances/éradiquer proprement les tordus/contrôler évaluer innover manager récompenser/faire croitre le pet-haine-bée
c’que ça charrie varie pas trop…

et ça emporte aussi de la supplication: qu’on les fasse exister par fusion, adhésion pour épiphanie d’énergie/démonstration de motivation pour la chose/danse de coriolis sud nord sud nord sud nord

eux de leur là haut mesurent les flux de promesses (et dépendances), croient dire l'avenir, parfois même croient le produire mais seul leur restera en mains l'inventaire
de leurs outils.

Et nous on veut quoi ? la page ou la piste à sandales ?

On veut quelque chose un peu blanc/éprouver le cisaillement/la souffrance de correspondre.
La pureté on n’y croit pas/mais on veut pas ces pervers là/on veut pas le pervers sûr de soi
On veut garder çui qui bredouille çui qui s’embrouille çui qui chuchote
au téléphone des obscénités dans le noir, espérant croisée qui s'allume. Garder l’honteux besoin du dérisoire :géographe approximatif cherchant la résurgence/avec sa teinture rouge.

Exercice :

Ecouter ce qui nait - l’envie d’allonger la main, de toucher, de caresser, essayer de la retenir.

Décrochement.

La suivre alors par ses voies sans retour, dans le derme, les ligaments, jusqu'à la plèvre.
Et plus discrets encore, ces liquides à leurs rares moments de reflux:
sueur et sperme et salive...

Faibles témoins que rien ne va de soi...

Ni la parole, la parole, la parole…

Vincent Wahl

11. Journal de 20h, le 17 avril 2010
(télédiffusé par TV-GOUV sur les mobiles des français
et les panneaux publicitaires alignés sur la voie publique)


Un forcené a été interpellé ce matin à son domicile. L’individu propagandiste diffusait sur son blog des propos susceptibles de porter atteinte à l’intégrité de l’Etat et propres à troubler l’ordre public. Signalé aux autorités par les moteurs de recherche, ce site a été fermé et la PW (Police du Web) travaille à l’éradication de toutes ramifications pouvant subsister sur la toile. Les ID des internautes s’étant connectés sur ce blog entre le 3 mars et le 16 avril 2010 ont d’ores et déjà été communiqués aux services compétents qui les convoqueront ultérieurement afin qu’ils s’expliquent. En effet, il semblerait qu’à part une poignée de citoyens ayant immédiatement alerté le serveur en utilisant le lien de VC (vigilance citoyenne), plusieurs milliers de visiteurs auraient gardé le silence quand ils n’auraient pas eux-mêmes répercuté les propos du criminel.

Le premier ministre assure qu’il donnera des consignes au juge chargé de l’affaire afin que les peines soient minorées pour ceux qui se manifesteront spontanément, et apporteront leur disque dur afin de faire progresser l’enquête. Des travaux d’intérêt général dans les locaux de la PW pourront se substituer aux peines prescrites dans le Code de Protection Nationale.

L’anarchiste prétendait dénoncer le port obligatoire et la présentation systématique depuis 2009 de la CVIN (carte vitale d’identité nationale). Geste simple, rapide et sécurisant pour la communauté, l’usage des bornes automatiques placées à l’entrée de tous les organismes du service public, cinémas, bars, pharmacies, gares, établissements scolaires et universitaires, ainsi que sur tous les ordinateurs, téléviseurs et réfrigérateurs… reste l’arme la plus fiable et la plus efficace pour lutter contre le terrorisme et l’incivisme. Le ministère restera intraitable face à ce genre de débordements et rappelle qu’aucune amnistie n’est envisagée en juillet prochain.
Pratique et adaptée aux contraintes de la vie moderne, la CVIN centralise désormais dans sa puce les informations bancaires, les données d’identité administrative et génétique de tous les ressortissants français. On sait que le décret d’application n°2010 073 de la loi de mai 2009, longtemps retardé par l’opposition, a enfin été voté : désormais, la CVIN servira aussi de carte d’électeur.
Le malfrat risque une amende de 50 000 euros et une interdiction de connexion de 5 ans, qui sera notifiée sur sa carte, rendant tout login impossible.


Claire Panier-Alix


12. Science-friction


Le journal : Monsieur le Premier Ministre, ne croyez-vous pas que les mesures qui viennent d’être prises soient quelque peu… disproportionnées ?
Le Premier Ministre : Disproportionnées dites-vous ? A une époque relativement récente, certains États n’ont pas hésité à emprisonner, déporter, extrader des individus coupables de pamphlets, et je dis bien pamphlets car, en fin de compte, c’est bien de cela qu’il s’agit, coupables de pamphlets, disais-je, bien moins pervers et virulents que les ouvrages dont il est question. Sous le prétexte fallacieux de situer leur propos dans un avenir incertain, ces ouvrages – ces torchons plutôt, car il ne méritent en aucun cas d’être considérés comme de la littérature – ne sont rien d’autre qu’une insulte à la démocratie, un défi aux lois en vigueur dans notre pays, que la majorité des Français, par l’intermédiaire de leurs députés et sénateurs, ont approuvé, et par dessus tout une incitation à la révolte. Cela, nous ne pouvons le tolérer. Trop longtemps, nous avons fermé les yeux. Trop longtemps, ces faiseurs de cauchemars, ces asociaux, ces pisse-copies ont pu sévir impunément. Il était temps de prendre des mesures.
Le journal : Certains ne vont pas manquer de vous accuser de censure, d’atteinte à la liberté d’expression ?
Le Premier Ministre : Je me doutais bien que vous alliez me poser cette question. Je vous répondrai sans détour. Nous ne censurons rien, nous ne portons en aucun cas atteinte à la liberté qu’ont les citoyens de s’exprimer. Mais il s’agit en l’occurrence de textes pouvant être considérés comme de la pornographie. Ces gens-là déshabillent nos institutions, exhibent les pires ferments de l’anarchisme. Mais que l’on ne s’y trompe pas. Il n’est pas dans nos intentions d’interdire. Nous sommes un pays de libertés. Simplement, pour éviter que ces ouvrages tombent dans des mains innocentes, nous avons décidés une interdiction globale au moins de 18 ans à toute cette littérature et l’interdiction de publicité et d’affichage. C’était le moins que nous pouvions faire.
Le journal : En conséquence, un adulte qui voudra acquérir un roman de science-fiction pourra continuer de le faire sans être inquiété ?
Le Premier Ministre : Naturellement ! Il lui suffira de le réclamer à son libraire.
Le journal : Plus un seul de ces ouvrages en rayon ?
Le Premier Ministre : Nous ne pouvions pas courir le risque qu’un mineur puisse accéder à l’un de ces… livres à l’insu du libraire et, de ce fait, d’être doublement délinquant. Mais rien n’interdira à un libraire de tenir de tels écrits dans son arrière-boutique. Encore une fois, nous n’envisageons pas d’interdire à ceux qui le désirent d’écrire ou de lire ce genre d’insanités. Nous n’emprisonnerons pas. L’époque du Marquis de Sade est bel et bien révolue. Nous sommes dans une démocratie. La majorité d’entre nous a considéré qu’il était d’utilité publique de préserver nos concitoyens. Je crois que nous avons fait preuve de discernement, de prévoyance, de sagesse en adoptant ce texte.
Le journal : Je vous remercie Monsieur le Premier Ministre.
Jean-Pierre Fontana
13. Un ancien dissident à nouveau autorisé à publier

" Après un long traitement d¹optimisation neurale, notre camarade Serge Lehman vient de récupérer sa licence professionnelle " nous déclare ce matin Alain Damasio, le secrétaire général de la section science-fiction du Bureau des Ecrivains pour le Progrès et l'Antifascisme. " Son autocritique assistée par ordinateur, mise en ligne hier soir et consultable par tous, témoigne d'un désir sincère de se racheter pour ses erreurs passées, en particulier son refus de prendre part à l¹effort créatif engagé par tous les auteurs populaires dignes de ce nom pour contrecarrer la candidature du néofasciste Sarkozy en 2007, effort dont la Seconde Révolution qui secoue actuellement l¹Europe peut être considérée comme l¹aboutissement. "

Interrogé lors d¹un forum citoyen transpac en fin de matinée, M. Lehman a exprimé sa gratitude au BEPA : " Sans le traitement neural que j¹ai reçu (et pour le remboursement duquel j¹ai bon espoir d¹obtenir un prêt de l¹AGESSEPA), j¹aurais été incapable de renoncer aux projets qui étaient les miens avant la Seconde Révolution, à savoir jeter les bases d¹une redescription performative de l¹échiquier politique européen. Je serais resté insensible au pouvoir légitime de la caricature et du réemploi lexicologique ­ aux propriétés véritablement révolutionnaires de l¹humour antifasciste. Je remercie mes camarades du Bureau d¹avoir attiré mon attention sur ces données objectives de toute Histoire passée, présente ou à venir. "


Serge Lehman

14. Slam Party débusquée par les forces de l’ordre
Le Web du Gouvernement - Aujourd’hui à 02h20



Hier soir à 22h00, au terme d’une fructueuse enquête, des policiers de la BAC ont découvert une salle de spectacle sauvage. Une bergerie de l’arrière-pays héraultais accueillait concerts, lectures, slam et pièces de théâtre sans déclaration préalable en Préfecture.
Nous rappelons que cette déclaration est obligatoire et que tout contrevenant s’expose à des poursuites, une amende de 50 000 à 200 000 € et une peine de prison de deux à cinq ans.
Venus en nombre, les policiers ont cerné la bergerie. Un concert venait de s’achever, et deux artistes en scène échangeaient sur un rythme de rap des propos outrageants pour les forces de l’ordre et ceux qui les dirigent.
Lumières rallumées, 102 spectateurs et huit artistes ont été dénombrés. On déplore la mort d’un neuvième artiste qui, dans une vaine tentative de fuite, a gagné le toit de la bergerie. Il a été victime d’une chute mortelle. Cet homme, un clandestin originaire du Maghreb, savait bien entendu ce qu’il encourait s’il se faisait arrêter.
Il est très vite apparu que plusieurs des personnes présentes n’étaient pas en règle, leurs puces RFID non actualisées. La plupart apparaissent au fichier des troubles de l’ordre public, incidents de paiement, chômage, etc.
Quant aux artistes, un seul des cinq musiciens est adhérent du SYNAVI, le Syndicat national des arts vivants, et pas un des trois poètes n’appartient à l’AGESSA, qui gère la sécurité sociale des auteurs. Rappelons que faute de cette appartenance aux sociétés de gestion, un jeune artiste ne peut participer à un spectacle sans parrainage d’un affilié et d’une société d’auteurs. Seuls le SYNAVI et l’AGESSA garantissent le professionnalisme des artistes, leur droit à se produire, et un règlement conforme à la loi.
Hier soir, aucun des artistes présents ne pouvait prétendre au statut de « travailleur du spectacle ». Aucun n’avait signé de contrat, aucun ne s’est présenté comme entrepreneur ou président d’association, aucun n’a justifié d’un revenu artistique autorisant sa présence en ces lieux.
En conséquence, les policiers de la BAC ont organisé une navette entre la bergerie et Montpellier où tous les suspects en situation irrégulière sont actuellement en garde à vue, en attendant interrogatoire et jugement.

Joëlle Wintrebert






15. Et les tièdes, je les vomis

Heureux les bas salaires, car les heures sup sont à eux ;
Heureux les miséreux qu'on cessera d'assister, car ressources et initiative
en eux ils trouveront ;

Heureux les primo-délinquants, car ils seront dépistés avant l'âge de trois
ans ;
Heureux les pédophiles, homosexuels et autres pervers sexuels, car la
médecine génétique les soignera ;

Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés de
police et de lois !

Heureux les sans-papiers, car leur retour est assuré ;
Heureux les étrangers, car ils apprendront à préférer leur pays ;
Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel quitte son sol, qui le lui
rendra ? Loin de sa terre il ne sert plus qu’à être jeté dehors, ou foulé
aux pieds par nos hommes ;
Ne cherchez pas à venir en France si vous n'êtes pas qualifiés. Ce n’est pas
un bon arbre qui porte du mauvais fruit, ni un mauvais arbre qui porte du
bon fruit. On ne cueille pas des figues sur des épines, et l’on ne vendange
pas des raisins sur des ronces.

Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ; je suis venu non pour
l'abolir, mais pour l'accomplir à la lettre.
Vous avez appris qu’il a été dit: oeil pour oeil, et dent pour dent. Mais
moi, je vous dis de ne pas résister. Si le gouvernement te frappe sur la
joue droite, présente-lui aussi l’autre.
Heureux l'homme qui est ainsi frappé ! Ne méprise pas la correction de
l'État tout-puissant.

Et n'oubliez pas, Je vous aime parce que vous m'aimez
Je vous aime si vous m'aimez,
et les tièdes, je les vomis.

Nicolas (13 ; 1-20)


Claude Ecken




16. Comment fut-ce possible ?



An 2047, Université de la Sorbonne, cours d’histoire de la politique française du professeur Desmots.

Professeur Desmots : Nous allons aujourd’hui aborder ce que les historiens politiques nomment « l’ère Sarkozy ». Tout d’abord, j’aimerais vous dire qu’il s’agit d’un cours qui me tient particulièrement à cœur puisqu’il nous a été interdit d’évoquer ce sujet pendant plus de vingt ans. Bref, après les trois quinquennats du président Sarkozy, les problèmes économiques et sociaux de la France restaient inchangés, ou bien avaient empiré. De fait, il ne fit que préserver les intérêts de l’élite patronale et inviter émeutes et guérillas urbaines dans le quotidien du pays par le biais d’une répression qui ne fit qu’aggraver les maux qu’elle était sensée juguler. Sachant cela, comment expliquez-vous qu’il ait réussit à se faire élire, puis réélire par deux fois?
Un élève : En organisant ses campagnes électorales autour d’arguments séducteurs et en protégeant leur irréalité par le contrôle des grands médias.
Professeur Desmots : Oui, il s’agit d’une partie de la réponse. Mais ces faits étaient déjà soupçonnés lors de sa première élection, et rapidement confirmés par la suite. Dans ces conditions, comment expliquez-vous ses réélections successives ?
Un élève : Ses réseaux de contrôle, notamment au niveau de l’INSEE, lui ont permis de masquer et de truquer ses bilans. Ensuite, il basait ses programmes sur des notions attrayantes pour le plus grand nombre bien que contradictoires.
Professeur Desmots : Là, vous soulevez un point intéressant avec l’illogisme des programmes successifs du président Sarkozy. Mais comment expliquez-vous qu’après l’immobilisme de son premier mandat, aucun de ses adversaires pourtant progressistes – Mr Bayrou en 2012 puis Mr Besancenot en 2017 – n’ait réussi à l’emporter ?
Un élève : Parce que ses équipes de communication se sont employées à décrédibiliser ses adversaires politiques, avec l’appui des médias télévisés. Et aussi parce qu’il a réussi à l’emporter dans ses débats d’entre deux tours.
Professeur Desmots : Vos réponses sont justes, mais vous effleurez à chaque fois le facteur principal du succès de ce président. C’est sur le travail de son image que le président Sarkozy a remporté ses victoires. Imaginez simplement qu’il a réussi l’exploit de faire voter pour lui des gens qui, fondamentalement, ne partageaient ni ses idées ni ses idéaux. Pourquoi ? En alliant sérénité apparente, confiance en soi, assurance et belles paroles. Cette prestance lui a permis d’esquiver les questions dérangeantes par des réponses annexes, et de contourner tous les défauts de son personnage, son parti et ses programmes, avec un aplomb tel qu’il continuait à convaincre. Ainsi, il ressort de l’ère Sarkozy que ce ne sont ni les bilans, ni les projets qui font le succès d’une élection mais tout simplement l’apparence, quels que soient les méfaits qui se dissimulent derrière, même quand ils sont flagrants.


Simon Sanahujas





17. 21 Mars 201…



Il est temps de prendre le RER pour Paris. C’est vrai que, depuis les 
contrôles, je quitte rarement mon Créteil, vu qu’il est impossible de 
minuter précisément le temps de transport, mais là, c’est l’occasion de 
revoir un vieux pote descendu du Sud. J’attends sous le regard des 
caméras de surveillance. L’une d’entre elles apostrophe un utilisateur 
de sa voix métallique. Je suis trop loin pour entendre ce qu’il a fait, 
sans doute jeter un papier gras ou vouloir allumer une cigarette. S’il 
n’est pas déjà fiché, son image doit rejoindre directement le fichier 
antiterroriste. En ces de récidive, la brigade antiterroriste pourra 
examiner ses courriels et, peut-être, le mettre sous surveillance.
J’écoute un vieux Nick Cave sur mon vieil iPod. Les rares affiches de 
concert ne montrent que des starlettes des shows télévisés visant à 
trouver les “stars de demain”. Il y a longtemps que les disquaires et 
les labels indépendants ont coulé, et l’interdiction de diffusion de 
musique gratuite sur le net a tué dans l’œuf les vélléités des nouveaux 
musiciens. Certains, paraît-ils, donnent encore des concerts privés 
dans des garages, mais il faut suivre les bons réseaux… Des boîtes de 
“coaching” reçoivent des centaines de jeunes qui se saignent aux quatre 
veines pour apprendre comment passer à la TV et avoir une chance de 
devenir une “nouvelle vedette”. On les accepte à partir de quatre ans, 
et encore, il est question de faire sauter cette loi.
Dans le RER, personne ne regarde personne. La majeure partie des 
voyageurs a l’œil rivé sur son mobile, comme d’habitude. Depuis deux 
ans, il est possible de recevoir des minis-clips minutés selon le temps 
de transport ou d’attente. Ce marché brasse des milliards. Certains 
docteurs ont parlé d’addiction. De plus en plus, il arrive que des gens 
se suicident suite à la perte de leur portable, et ceux-ci 
entraîneraient des troubles neurologiques. Personne ne les écoute.
A l’arrivée, il est temps de passer au contrôle. Toujours la même foule 
silencieuse au-dessus des écrans publicitaires braillant leur soupe. Le 
volume me semble encore plus fort que d’habitude. Les rares musulmans 
portent leur badge assorti d’un croissant sur fonds vert. Un sur cinq 
est bien blanc. Devant eux, des regards-éclair brûlants de haine fusent 
parfois pour replonger dans la masse.
J’ai de la chance : pas plus de vingt minutes d’attente au contrôle, 
pas de panne des appareils. J’ai sorti mon passeport biométrique. Comme 
tous les banlieusards, il me faut montrer patte blanche aux contrôles. 
Mon passeport sera analysé par le fichier informatique pour vérifier 
que je n’ai commis aucun délit justifiant un refus d’accès à 
l’agglomération Parisienne. Sur Créteil, 50% des résidents n’ont pas 
droit de se rendre à Paris. La plupart ignorent pourquoi.
Et paf : la machine de contrôle bipe en lorgnant mon passeport. Encore 
un bogue ! Un policier m’enjoint de sortir de la file, poliment — après 
tout, je suis blanc — mais avec une main sur son arme non létale. Je ne 
proteste pas : cela ne me vaudrait qu’un coup de taser. Leur usage 
immodéré a causé une quarantaine de décès l’an dernier, et le chiffre 
serait en constante augmentation. Les spécialistes, lorsqu’on daigne 
les consulter, accusent la mauvaise alimentation accroissant les 
risques cardiaques.
A mon tour, j’ai droit à quelques regards haineux réservés au dangereux 
criminel que je dois forcément être… Et je me retrouve dans la salle de 
confinement du RER, au milieu de visages las. On me dit d’attendre. 
L’ennui, c’est qu’il est impossible de savoir combien de temps. Certes, 
je n’ai rien à me reprocher, mais j’ai tout de même une petite 
crispation à l’estomac. Des fois que le fichier m’ait assimilé à un 
dangereux terroriste… Combien d’erreurs judiciaire déjà ? Impossible de 
le savoir, puisqu’on n’est conscient de l’erreur que lorsqu’on l’a 
trouvée. Combien échappent au crible ? Il y a un mois, on a libéré un 
père de familles détenu depuis cinq ans : le juge automatique des 
peines, ces ordinateurs qui remplacent peu à peu les magistrats en 
chair et en os censés entraver la bonne marche de la justice, n’avait 
rien vu. Pour compenser, une chaîne a fait de ce brave homme le héros 
d’une série de téléréalité ou on le filme en train de profiter de tout 
ce dont il a été privé pendant sa détention : bons repas, yachts, 
voyages, apparition dans des clips de stars… D’après un sondage, 83% 
des téléspectateurs voudraient être à sa place.
Bon, j’ai un bouquin et mes boules Quiès pour éviter le matraquage des 
écrans. Les boîtes de pub ont tenté de faire passer une loi interdisant 
le port d’appareils visant à contourner le flot publicitaire et de 
rendre leur port passible d’amende. La loi a été refusée, mais les 
avocats ont passé un recours. Prions.
Pas moyen de me concentrer sur mon bouquin. Alors je prends un des 
exemplaires du Monde qui traîne sur une table. En première page, la 
dépression d’une starlette d’un show TV visant à découvrir l’actrice de 
demain, ou la chanteuse de demain, je ne sais plus. En-dessous, une 
manchette triomphante proclame un taux de chômage au plus bas : 3,4%. 
Je feuillette les autres titres. Encore trente morts dans une fusillade 
en Iran. L’état-major dit avoir fait des “progrès significatifs”, comme 
il le dit depuis deux mois. On discute d’un augmentation des forces de 
paix. La France se dispute toujours avec les dirigeants des USA et de 
Grande Bretagne sur la définition d’”ennemis combattants”. La “notion 
de génocide nécessaire” est en train de faire son chemin dans les 
esprits, même si les autorités la rejettent encore. Chez les alliés 
Anglo-Saxons, trois millions de musulmans sont encore détenus dans les 
“camps de reconditionnement”, où ils sont soumis à une propagande 
Catholique continue. Vingt pour cent se convertissent la première 
année. Quinze pour cent se suicident (ou sont suicidés, dit Amnesty 
International, qui est désormais interdite dans vingt-quatre pays) Je 
me souviens de l’époque où on disait qu’ils voulaient “détruire notre 
civilisation”… Les rafles de SDF et de petits délinquants ont du mal à 
alimenter le flot de chair à canon. On parle de remettre sur pieds un 
service militaire, puisqu’il y a deux ans que les USA l’ont réinstauré. 
Avec des passe-droits pour les “forces vives de la nation”, bien sûr. 
Qui, en général, habitent Neuilly.
Je feuillette le reste du canard en me souvenant de l’ère de Beuve-Méry 
et des blagues de Desproges. 50% est consacré aux humeurs des nouvelles 
stars déjà plus très fraîches, avec de grosses photos. En page 
économie, un économiste rage contre les 3,4% de chômeurs qui tirent la 
croissance vers le bas : à 12%, on peut mieux faire. Il insiste sur la 
nécessité de “serrer” les salaires et de mettre fin à la scandaleuse 
période de quinze jours d’emploi avant tout licenciement. C’est le 
“Mal Français”.
La natalité baisse. Les couples se font rares. Un sociologue parle 
d’absence de dialogue entre hommes et femmes et la difficulté de fonder 
une famille lorsqu’on peut être envoyé travailler à droite ou à gauche, 
redoutant le même mal qu’au Japon au début du siècle. Le pays du Soleil 
Levant reste menacé de désertification, et ses immenses conurbations 
sont devenues des villes fantômes peuplées principalement d’émigrés 
Chinois et Coréens, ceux que ne rebutent pas les fréquents attentats 
racistes.
L’heure tourne, et je ne suis toujours pas plus avancé.
— Hé, toi ! Tu viens !
C’est un policier à l’air teigneux qui vient d’apostropher un Noir. 
Celui-ci relève la tête, les traits creusés sous son bonnet.
— Je ne vous ai pas dit de me tutoyer, Monsieur, répond-il.
Les autres ont un hoquet de surprise et de frayeur. Le policier braque 
aussitôt son taser.
— Non, mais y veut un régime de faveur, Bamboula ?
Un policier qui me semble plus gradé appelle son collègue d’un air 
mécontent. L’autre maugrée et le suit dans les profondeurs du centre. 
Cinq minutes plus tard, deux agents à l’air gênés emmènent le Noir. Pas 
un mot ni un geste déplacé de leur part. Où l’emmènent-ils ? Je ne le 
reverrai plus.
L’heure tourne toujours. Adieu mon rendez-vous. Je vais peut-être rater 
mon dernier RER et devoir passer la nuit dans un cercueil. C’est ainsi 
qu’on surnomme ces hôtels au rabais importés du Japon, ou on dort dans 
une espèce de tube surnommé “cocon” où il y a à peine la place de se 
coucher. Ils servent surtout aux Nomades, ces travailleurs que l’on 
envoie aux quatre coins de la France au gré des demandes d’emplois. Les 
grandes chaînes qui se partagent le marché hôtelier font un chiffre 
d’affaire colossal. Détail amusant, 89% de leurs employés habitent 
eux-mêmes des “cocons”.
J’ai raté mon RER. Des heures que je suis là, sans savoir ce qu’on me 
reproche exactement, sans savoir si je vais finir en prison (Je suis 
trop âgé pour être envoyé au front, heureusement !) Inutile 
d’interroger les policiers les plus amènes : ils n’en savent pas plus 
que moi.
Au-dehors, la foule continue de s’écouler sous les brailleries des 
écrans. Aucune expression : des visages moulés, personne ne regarde 
personne, pas un mot n’est échangé. Aux dernières statistiques, chacun 
d’entre eux subira au moins une garde à vue dans les deux années à 
venir et se retrouvera peut-être à ma place. Le délai peut varier de 
quelques heures à une semaine. Le prix à payer, dit-on, pour éviter 
crime et terrorisme. Ils s’en contentent, tous. Heureux d’être 
protégés.
Après tout, n’ont-ils pas réélu leur CHEF avec 72% des voix ?


Patrick Eris