En ce moment, je rame pour terminer le dernier volet de mon cycle consacré aux chroniques insulaires. Il est vrai qu'après une bonne dizaine d'années passée sur ces terres, j'éprouve quelques difficultés à (m')en sortir...
J'avais bien cru y parvenir avec le dernier tome de La Chronique Insulaire, "Le roi repenti", mais voilà que les lecteurs m'ont piégée, et que je cédai à la tentation en me lançant dans l'écriture - ou plutôt la réécriture, puisque ce roman fut mon tout premier récit - des aventures du roi Duncan d'Irah.
Duncan...
Ce personnage me hante et m'accompagne depuis toujours, et voilà qu'après avoir relaté son histoire "après" sa mort, puis étalé sa vie au grand jour (il n'aurait pas aimé, encore que d'une certaine façon, c'est lui qui la dicte) dans Sang d'Irah, une longue existence de lutte et d'amours sanguines, il est toujours, toujours, toujours là.
Pourtant, il était mort, rien qu'un de ces souvenirs idéalisés qui vous accompagnent et vous soutiennent dans les moments difficiles, comme des refuges, des protecteurs sereins omniprésents, omnipotents, héroïques et doux...
Et voilà, qui n'a pas tenté l'aventure ne peut pas se douter de la perfidie du traquenard dans lequel je me suis fourrée en consacrant deux ans au premier volet de Sang d'Irah, la préquelle de la Chronique Insulaire...
Raconter les faits et gestes d'un personnage tel que celui-là, forcément, c'était raconter ses compagnons, ses amours, ses ennemis, ses enfants... Le montrer de chair et d'os, loin de la statue érigée en sa mémoire dans la trilogie d'origine.
Et donc laisser le monde démuni, vidé, ahuri mais pourtant réel, à sa mort
Et moi, dans tout cela ?
Je me retrouve comme Akhéris, le petit-fils maudit de Duncan, héros de l'Echiquier d'Einär, écrasé par son ombre superbe de son vivant, puis par sa légende après sa disparition : perdue. L'envie d'en finir, d'explorer d'autres lieux, d'autres atmosphères, de me libérer de cette emprise terrible.
Mais aussi, le syndrôme de Pénélope : je détricote, sans arrêt. Quoi ? quitter ces gens que j'aime, quoi qu'ils aient fait, les abandonner... Les laisser m'abandonner... Pour aller où ? Peut-être ne suis-je pas capable d'écrire autre chose ? Et cependant, il y a ces projets qui me taraudent depuis des mois, qui m'obsèdent, et je sais bien que je ne pourrai pas m'y consacrer tant que je n'en aurai pas terminé avec Irah...
Ainsi, je lutte toute seule, face à ces démons-là. Ce n'est pas facile de partager ce sentiment de peur, de frustration, et de chagrin latent qui m'étreint face à ce tome ultime et me laisse un goût de deuil, déjà, alors que j'approche de la fin...
Ce sentiment-là, tous ces paradoxes qui entourent mon travail (*) en ce moment, vont bien au-delà des angoisses existentielles liées à l'écriture elle-même, d'habitude. C'est une expérience nouvelle, pour moi. Je sais qu'elle est en train d'enrichir, de magnifier les interlignes de ce roman grave et violent que sera L'ETENDARD EN LAMBEAUX, le 2e et dernier volet de SANG D'IRAH, mais sans jeu de mot facile, c'est avec mon sang, avec mes tripes que ce texte aura été écrit, pour clore un cycle qui aura animé toute ma jeunesse :
J'ai conçu Irah vers 15 ans. J'en aurai bientôt 38. (*) dans le sens noble du terme, en référence à la maïeutique notamment...
17 septembre 2006
SANG D'IRAH 2 : une gestation difficile
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2 commentaires:
Allons, Duncan a le beau rôle. Il fait passer ses propres désirs avant ses responsabilités ; il est sanguin et pas très malin. Sa psychologie est à peine plus développée que celle de Conan le barbare. Et malgré tout (ou peut-être grâce à cela), il est devenu légendaire, idéalisé.
Akhéris, pauvre Akhéris, est cent fois plus humain et plus intéressant.
J'ai hâte de lire la liste (enfin la l'amorce) des Chroniques. Bon courage Claire !
Salutations, Sir
pas très gentil pour Duncan dis-donc :-) mais c'est vrai, Akhéris reste de loin mon personnage fétiche, sans doute parce qu'il est tout le contraire de son ancêtre : absolument pas héroïque, humain donc instable. Mais ils ont aussi beaucoup en commun, ce côté tourmenté, braqués contre les coups du sort, et réactifs face à l'adversité.
toutefois, avant d'arriver au caractère que tu lui connais, Akhéris n'était pas aussi attachant, tu verras...
Au plaisir de te revoir à l'occasion d'une décicace
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