05 mars 2007

CENSURE CHEZ MANGO ? DROIT DE REPONSE DE L'EDITEUR

Comme je le signalais dans mon message du 15 février 2007 concernant la pétition "Mango", je suis l'affaire et le droit de réponse de l'éditeur que j'attendais est tombé.
Lorsque j'ai signé la pétition, je nuançais ma position.

voici ce qu'en dit l'éditeur :

La réponse de Mango et Fleurus



Droit de réponse



Monsieur le Directeur de la Publication

J’ai pris connaissance de l’éditorial, du Forum et des différents articles que votre site électronique actusf a consacré au roman de Nathalie Le Gendre intitulé « Les Orphelins de Naja ».

Il me semble que la déontologie du journalisme exige de ne reproduire une information qu’après en avoir vérifié la véracité et de ne relayer une accusation lancée contre une personne, physique ou morale, qu’après avoir permis à cette personne d’exposer son point de vue. Je ne doute pas que sont bien vôtres ces exigences qui sont à la base du respect mutuel qui permet le « vivre ensemble » en démocratie. Je suis donc étonné que vous ayez publié vos communications sans prendre la peine de nous contacter pour connaître notre point de vue. Ce point de vue, il me paraît utile de le faire connaître à vos lecteurs, afin que ce soit librement qu’ils se forgent une opinion.

La collection Autres Mondes, dont nous sommes fiers d’être les Editeurs, est composée de publications destinées à la jeunesse. Au-delà de ses qualités littéraires, le mérite de cette collection est de permettre aux jeunes de réfléchir à des questions de société, à partir d’une histoire passionnante transposée dans le futur.

En tant qu’Editeurs, nous adhérons totalement à ce projet. Cependant, les ouvrages étant publiés sous notre marque, il nous revient de garantir qu’ils conviennent au public visé, tant sur le plan de la forme que du fond. Cette responsabilité est un élément essentiel de la déontologie de notre métier.

De toute façon, si nous jetions aux orties notre déontologie pour ne juger les manuscrits qu’à l’aune de critères commerciaux et financiers, la Loi de la République nous rappellerait aussitôt à nos devoirs. En effet, l’édition des publications destinées à la jeunesse est régie par la loi du 16 juillet 1949, version consolidée au 5 janvier 1988, qui édicte des responsabilités très contraignantes pour les éditeurs : « Les publications visées à l’article 1er [destinées aux enfants et adolescents] ne doivent comporter […] aucune insertion […] de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques » Or, l’on sait qu’aujourd’hui, Convention européenne des Droits de l’Homme aidant, sont assimilés à des préjugés ethniques les préjugés fondés sur l’appartenance ou la non appartenance à une religion. La loi précise par ailleurs : « A l’égard des infractions prévues à l’article 2 de la présente loi, les directeurs ou éditeurs seront, pour le seul fait de la publication, passibles comme auteurs principaux des peines portées à l’article 7. » L’Editeur a donc au premier chef le devoir et la responsabilité de veiller à ce que les publications pour la jeunesse qu’il édite, ou envisage d’éditer, respectent les jeunes lecteurs et les lois qui le défendent.

C’est dans ce contexte déontologique et législatif que le Directeur éditorial de Mango- Jeunesse, M. Christophe Savouré, a indiqué au Directeur de collection, Denis Guiot, qu’il ne publierait pas en l’état le dernier manuscrit de Nathalie Legendre et qu’il souhaitait en discuter avec l’Auteur.

En l’occurrence, c’est une contre-vérité de prétendre que M. Christophe Savouré ait dit que « cet ouvrage ne paraîtrait pas ». Il a dit, en substance, qu’il ne pouvait pas publier cet ouvrage en l’état, mais qu’il souhaitait, avec l’Auteur, débattre des problèmes que lui semblait poser sa publication. La qualité littéraire de l’ouvrage n’est bien-entendu pas en cause. Dans l’absolu, son contenu ne l’est pas non plus. Il est même assez remarquable. Mais le sujet traité, la pédophilie, oblige à s’interroger sur la manière dont l’histoire et ses péripéties vont être reçues par des jeunes « à partir de 11 ans ».

Permettez-moi de m’étonner que, sans avoir lu la moindre ligne de ce livre, vous vous laissiez aller à colporter des jugements aussi gratuitement malveillants sur l’attitude de son Editeur. Je me permets de suppléer succinctement votre ignorance. L’histoire se passe au XXIIIe siècle sur une planète nouvellement colonisée où des enfants « défavorisés » sont « déportés » pour être « rééduqués » sous l’autorité de « l’Eglise » et de « l’Armée ». Finalement, on découvre que « l’Eglise » a mis en place des réseaux pédophiles qui se fournissent en « chair fraîche » dans les orphelinats qu’elle dirige. Sur cette planète dédiée, presque tous sont complices et participants : soeurs, frères, Mère supérieure, prêtres et évêques.

Quel est le problème ? Il a semblé aux responsables éditoriaux que si des adultes ou des grands adolescents étaient capables, grâce à ce beau livre, de réfléchir, sans faire de transpositions abusives, à l’existence bien réelle de la pédophilie dans des institutions comme l’Eglise, il existait des risques que des enfants de 11, 12 ou 13 ans soient conduits à faire des amalgames susceptibles de nourrir chez eux des préjugés simplistes. Le livre se retournerait alors contre son objet qui est d’apprendre aux jeunes à éclairer leur discernement face aux conditionnements que peuvent leur imposer les membres des institutions.

Pour mieux vous faire comprendre notre position, je vais moi aussi faire une transposition. Il y a eu et il y a des enseignants pédophiles. Imaginez qu’un livre propose l’histoire suivante : Au XXIIIe siècle, sur une planète nouvellement colonisée, des enfants sont déportés pour être abusés sexuellement au sein de « l’Education nationale » qui est présentée, en tant qu’institution, comme organisatrice de réseaux pédophiles. Ce livre, aussi remarquable serait-il par ailleurs, le mettriez-vous dans les mains de jeunes de 11, 12 ou 13 ans, sans au moins en avoir débattu auparavant, sans avoir bien pesé le pour et le contre avec l’Auteur ?

Ce livre pose bien d’autres questions, toujours dans la mesure où il entre dans une collections qui s’adresse à des jeunes « à partir de 11 ans ». Le viol d’une jeune fille de 13 ans, par son tuteur, est raconté d’une manière, certes jamais complaisante, mais assez impressionnante et réaliste et, surtout, ce viol peut être compris par de jeunes lecteurs comme une bonne action (il s’agit de mettre la victime enceinte pour lui éviter d’être envoyée dans une maison de passe). L’usage de la drogue, qui est généralisée chez ces millions de malheureux enfants, peut être compris comme le seul moyen d’échapper aux difficultés de l’existence, etc. Bref, ce sont des questions qu’un Editeur responsable doit se poser avec l’Auteur avant de publier un ouvrage pour la jeunesse. Quitte à consulter des spécialistes pour éclairer le discernement.

Pour finir, je me tiens à votre disposition pour commenter toutes les erreurs de fait contenues dans vos communications, afin que vous puissiez informer vos lecteurs en toute connaissance de cause, et non sur les seules allégations de M. Denis Guiot.

Vous êtes responsable d’un organe de presse, vous êtes donc particulièrement sensible à tous les enjeux éthiques de la transmission de l’information. Je veux croire, même si vous ne partagez pas toutes nos raisons, que vous saurez, dans une juste mesure, leur faire droit. Et je ne doute pas que vous aurez l’honnêteté intellectuelle de les diffuser aussi largement que vous avez cru devoir diffuser des « informations », qui, quand on connaît les faits, relèvent de la catégorie des rumeurs tendancieuses.

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur de la publication, l’expression de mes sentiments distingués et respectueux.

Pierre-Marie Dumont
Président des Editions Mango
Directeur Général du Groupe Fleurus

P.S. De surcroît, il est apparu à l’Editeur que, tel quel, l’ouvrage pouvait risquer de tomber sous le coup de la Loi. L’article 29 créé par la Loi 1881-07-29 prévoit que : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication […] de cette allégation ou de cette imputation est punissable même si elle vise une personne ou un corps non expressément nommé, mais dont l’identification est rendue possible par les termes du discours… » L’article 32 ajoute : « La diffamation commise […] envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance ou non appartenance à […] une religion sera punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende… »

un droit de réponse un peu menaçant et sur la défensive, mais bon, n'ayant pas lu le roman je suis bien incapable de dire qui est de bonne foi et qui ne l'est pas. Ce que j'aimerais savoir, c'est l'âge réel des lecteurs de la collection Autres Mondes. A ma connaissance, et après en avoir lu quelques uns, bien qu'étiquetée 11 ans, ce serait plutôt les adolescents qui seraient ciblés depuis des années...

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