Les lignes qui suivent seront prochainement mises en ligne sur le site de mon éditeur (Nestiveqnen). Il s'agit d'un entretien avec ma directrice littéraire, Chrystel Camus.
Si vous avez des questions à ajouter aux siennes, n'hésitez pas...
(une autre interview paraîtra prochainement, dans la revue Géante Rouge)
• Depuis quand écris-tu ?
Tout dépend de ce qu'on entend par "écrire". J'ai eu très jeune le désir d'écrire. D'écrire à mon tour. Parce que j'étais une dévoreuse de bouquins, et que le plaisir qu'ils me donnaient me fascinait littéralement. Ainsi, je crois que j'ai dû être tentée par la chose vers 10 ou 11 ans. Me lancer dans un récit de mon crû, et pas du copiage (ou de l'adaptation), je dirais vers 13 ans. En tout cas c'est mon plus lointain souvenir.
• Te souviens-tu de ton premier texte ? De quoi parlait-il ?
C'était un roman de SF (aujourd'hui, on appellerait ça une nouvelle un peu longuette),très inspirée par Dune si ma mémoire est bonne. Avec une petite dose d'Albator (si si si). Le titre : "Crystallina". Je ne me souviens plus de l'histoire, seulement de l'ambiance et de quelques passages assez mélos. Je me demande ce qu'est devenu le manuscrit...
• Quel regard portes-tu dessus aujourd’hui ?
Curieusement, bien que je n'oserais certainement pas le faire lire, je crois qu'il y avait quelque chose, dedans, par rapport à des nouvelles que j'ai écrites par la suite et qui ne m'ont jamais satisfaite. En tout cas, c'est le premier texte dans lequel je me sois investie et qui ait compté. En y repensant, je réalise le trajet parcouru. D'un côté, à l'époque je ne me torturais pas, je laissais venir, cela n'avait pas d'importance, c'était pour moi. Seul le moment de l'écrit comptait. Je ne relisais pas, et je ne comptais pas le faire lire non plus... Il n'était pas question d'écrire pour partager, pour transcrire.
• Qu’est-ce qui a déclenché ton envie de devenir auteur ? / Quand as-tu senti que tu voulais devenir écrivain ?
Je l'ai dit : la lecture. Mais en fait, je n'en sais rien. J'imagine que c'était mon truc à moi. Mais je relis la question et ma foi, je la nuancerai : je n'ai jamais voulu devenir écrivain. Je voulais écrire, j'avais envie de créer des mondes, des personnages, d'exprimer des choses, de raconter des histoire qui me correspondraient. Cela répondait au même vecteur que celui qui me poussait à adorer l'Histoire, les mythologies, la musique classique, ce genre de choses... Cela n'avait rien à voir avec l'envie d'avoir un nom, d'être en librairie, d'être lue. C'était un truc perso. Une sorte de quête (hi hi hi) intérieure : comment concrétiser, comment "réaliser" le bouillonnement qui m'habitait alors que l'extérieur ne m'intéressait pas ? En cela, je n'ai pas changé. La lecture me procurait beaucoup, l'imaginaire en général me parlait. Il est tout naturel d'avoir tenté ma chance. Je peignais, je jouais de la musique, mais écrire me permettait d'être seule face à moi-même.
• Tes livres favoris ?
Je suis éclectique, la liste serait longue, aussi vais-je me contenter de quelques échantillons qui me sont particulièrement chers, dans des genres différents... Je ne reviendrai pas sur Tolkien, tout le monde sait que j'ai longtemps été une intégriste (rire : je me soigne). Sa démarche créative m'a toujours fascinée (plus que son oeuvre elle-même, en fait). Il faut lire sa correspondance et ses essais pour comprendre ce que je veux dire... Je suis aussi une inconditionnelle de Gustav Meyrinck, pour moi le plus grand auteur de tous les temps, et je pèse mes mots. J'adore par ailleurs PJ Farmer (ah sa saga des faiseurs d'univers !), Philip K Dick, Maurice Renard (le Péril Bleu !), Cervantès (l'influence de Don Quijote sur moi n'est pas difficile à deviner), Charles Fort (Le Livre des Damnés a fortement contribué à l'élaboration des aspects les plus étranges de la chronique insulaire, notamment les chutes de mannes, les mondes vagabonds...), Arthur Conan Doyle, Eugene Süe (surtout Les Mystères du Peuple), Jean Anouilh, Alexandre Dumas, Gaston Leroux (la double vie de Theophraste Longuet) etc.. Voilà pour les romans. Ensuite, bien sûr, il y a les textes fondateurs. Moi, je suis dumézilienne. Au-delà de Homère et de Virgile, je suis toujours en quête des mythes originels, toutes civilisations confondue. J'ai un temps été obsédée par l'Edda, telle que retranscrite par Snorri Sturluson. En ce moment, je suis dans le précolombien. Les textes védiques m'ont passionnée aussi... Je crois en l'inconscient collectif, et ça me travaille beaucoup.
• Ton univers musical ressemble-t-il à ton univers littéraire ?
Question intéressante... Je suis imprégnée de musique depuis toujours. Il y a celles qui m'ont portée pendant l'écriture et qui ont certainement influencé certains passages,et celles que j'aime parce qu'elles ont la même résonance que ce que j'ai envie d'écrire. Maintenant, je ne suis pas persuadée que le lecteur partagerait cette ambivalence. Il a son propre univers musical, et devra(it) l'utiliser pour illustrer les ambiances que je lui propose dans mes récits. Que j'aime Carl Orff, Wagner, Brüchner, Puccini, Lizt, Moussorgski ou Saint Saëns n'a pas vraiment de sens pour quelqu'un dont l'imaginaire décolle pareillement quand il écoute Led Zeppelin ou la musique celtique. Par contre, il est probable que le lecteur qui a aimé les mêmes films que moi, et qui écoute les mêmes BO, éprouvera les mêmes sentiments-madeleines que moi sur ces musiques et pourra les plaquer sur certaines de mes lignes si je les ai écrites sous cette influence...
• Tes auteurs français préférés ?
Sans revenir sur ceux que j'ai évoqués plus haut ?
• Tes auteurs étrangers préférés ?
idem ? Je m'abstiendrai, pour l'une et l'autre question, parce que je ne saurais tous les évoquer. A chaque heure, à chaque mood, à chaque époque de ma vie il y en a eu et il y en a de nouveaux, et je n'en renie aucun.
• Ton auteur Nesti préféré (à part toi) ?
ça c'est vache comme question... (se gratte la tête en se demandant comment elle va se tirer d'affaire) Là encore, c'est parce qu'il faut choisir... Et non, je ne peux pas. Il y en a plusieurs, et pour des raisons différentes. Par exemple (admirez la pirouette), il y a Nicolas Cluzeau, pour son amour du verbe, du mot, du son, du sens... Et puis il y a Philippe Monot, pour sa truculence et son aisance. Fabrice Anfosso, à qui j'en veux toujours d'avoir écrit "Le bord du monde" avant moi. Et l'inénarrable Noirez. Et Darnaudet. Et Mélanie Fazi qui m'a bouleversée avec ses petits pépins...
• Quelles influences ont-ils eues sur ton écriture ? (réponse sur les trois précédentes questions)
J'ai en partie répondu à cette question. Tout ce qui me fascine et m'émeut m'imprègne, que ce soit des romans, des essais, des mythes, des musiques, des peintures (ah ! les préraphaélites! ah John Howe, Frazetta et tant d'autres !) Les idées, les mystères, les ambiances, tout cela mijote en moi et alimente mes propres questionnements. Maintenant, est-ce qu'on peut parler d'influence sur l'écriture ? Sans doute. En tout cas, ces dix dernières années, j'ai appris à travailler la forme pour servir le fond, et je crois avoir acquis un style qui m'est propre. Acquis... Si seulement c'était vrai ! Tous ces auteurs qui m'ont fait voyager, ils me poussent à chercher encore, toujours plus, une forme qui m'apporterait la même satisfaction qu'en les lisant.
• Ton obsession littéraire ?
Ne plus être frustrée par l'écriture. Savoir mettre en scène de façon idéale. Savoir montrer plutôt que dire. Bref : combler l'abîme qui existe entre le roman que j'ai en tête, polymorphe et sans cesse en train d'avancer, et celui que je fige sur le papier...
• Un ouvrage t’a-t-il marquée dans ton enfance ? Lequel et de quelle manière ?
Dans mon enfance ? "L'appel de la forêt", de Jack London, et "Moby Dick", de Melville, les deux à égalité.
• Ton héros/héroïne littéraire préféré(e) ?
Don Quijote
• Ton truc pour vaincre la page blanche ?
Moi mon problème c'est de vaincre la page trop noircie avant d'affronter Chrystell ! et là, qu'une solution : reprendre chaque page, paragraphe par paragraphe en me demandant à froid : "est-ce utile ? qu'est-ce que ça apporte ?"
• Ton petit plaisir coupable d’écrivain ?
Ne pas faire ce que je viens d'évoquer en faisant comme si je l'avais fait... Non, sérieusement ? J'adore (re-)lire à voix basse quand je suis en train de paufiner, mon dictionnaire d'analogies et de synonymes sur les genoux, prête à dégainer...
• Ton petit plaisir coupable de lecteur ?
(attention, c'est très mal) j'écris dans les livres. Je souligne, j'annote, je date mes lectures et mes commentaires...
• Quels sont les livres que tu relies régulièrement ? Qu’est-ce qu’ils t’apportent ?
Je relis sans cesse. Je lis peu de nouveautés. Il y a Tolkien, bien sûr, et les Doyle, mais celui que je relis le plus souvent, c'est le Golem, de Meyrinck. Un voyage intérieur, initiatique, qui ne me lasse pas. Depuis quelques années, j'ai été attrapée par Potocki aussi, mais son Manuscrit trouvé à Saragosse est tout de même en deçà. Côté fantasy, j'ai beaucoup relu Ursula Leguinn, notamment les Dépossédés, mais aussi le cycle de Terremer. Pareil pour Burnett Swann (la trilogie du minotaure). Mais comme je l'ai déjà dit, chaque moment est différent et appelle une lecture différente. Pour les relectures, à fortiori, je les choisis selon les besoins car je sais ce que je cherche à retrouver (ce qui ne m'empêche pas, d'ailleurs, de découvrir des aspects qui m'avaient échappé)
• Y a-t-il un auteur ou un livre dont tu veux nous parler ou nous faire découvrir ?
Comme je suis bavarde, j'ai déjà répondu à cette question.
• Essaies-tu de faire passer un message à travers tes histoires ?
Certes non. Mes histoires reposent sur les personnalités qui les font vivre, sur leur vécu, sur leur caractère, sur leur évolution. De ce fait, le lecteur voit généralement le message qu'il veut y mettre. Mes préoccupations sont plutôt métaphysiques et philosophiques, humanistes. Je ne crois pas aux personnages entiers. Je les vois comme je suis, ambivalents, pleins de paradoxes, de doutes, de certitudes...
• Quelle est ta passion secrète ?
Elle est secrète :-)
• Est-ce que tu t’inspires d’un autre domaine que la littérature pour écrire ? (musique, cinéma, peinture, jeux de rôles, etc.)
eh bien... De tout, sauf des jeux de rôles. Je n'ai jamais joué, c'est un univers très éloigné de ma façon de fonctionner, et pourtant je vis avec un joueur acharné...
• Est-ce que tu te sers de tes écrits pour régler des comptes ?
Non. Ceux avec qui je pourrais avoir des comptes à régler n'appartiennent pas (plus) à ma sphère, ils disparaissent de mon univers. De même, rien, dans mes récits, n'a le moindre rapport avec ma vie personnelle. J'écris de la fantasy, je vais ailleurs. Toute ressemblance etc...
• Est-ce que tu te sers de tes écrits pour réinventer un pan de ta vie ?
Non plus ! Je serais très malheureuse en Irah, pas à mon aise du tout. Pas à ma place. J'aime trop ma baignoire, mon percolateur, le chauffage urbain, la téloche, l'odeur du savon sur mon homme, et mon lecteur mp3 quand je prends le métro !
• Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour les années à venir ?
De bonnes choses, des projets qui aboutissent, des romans différents qui ne répondront à aucune autre contingence qu'à mon seul bonheur de créer et de ciseler, et un éditeur toujours aussi enthousiaste et téméraire (il n'y en a pas tant que ça).
Pour la présentation de chacun des ouvrages :
• Peux-tu nous présenter (en quelques lignes) chacun de tes ouvrages (une fiche par bouquin, si possible): ce qui t’a conduit à l’écriture, ce que tu as voulu y mettre, et pourquoi ? Dans quelle condition l’as-tu écrit ? .. Tout sur la genèse du bouquin. Ça peut aussi être des anecdotes...
ça c'est le pire ! il n'y a rien de plus difficile que de parler de son propre travail...
(et cela sera mis en ligne plus tard...)
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